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Arcadie, une entreprise « cent » patrons

Par Agathe Beaudouin . Photographies : Guillaume Mollaret & Adeline Justamon

Par Agathe Beaudouin . Photographies : Guillaume Mollaret & Adeline Justamon

On la dit « libérée », cette entreprise où le chef n’est plus vraiment chef ; où le salarié peut prendre, seul, des décisions ; et où la hiérarchie n’existe plus vraiment. Chez Arcadie, à Méjannes-lès-Alès, on parle, de façon plus imagée, d’un écosystème débarrassé de cette image d’Épinal encore majoritairement répandue « avec d’un côté la personne qui a un cerveau pour prendre les décisions et de l’autre, la personne avec des muscles ».

À des années lumières du taylorisme, l’entreprise gardoise (120 salariés) dirigée par Matthieu Brunet a opté pour un changement de posture radical depuis 2017. À cette époque, Arcadie, qui conditionne des épices et plantes aromatiques bio, bascule dans une forme de gouvernance participative et égalitaire, basée sur des prises de décision et de répartition des responsabilités communes à tous. Adieu le schéma pyramidal ! Voilà le spécialiste des épices embarqué dans une nouvelle aventure baptisée holacratie. Elle implique notamment que l’ensemble des collaborateurs signent une constitution qui régule leur nouvelle manière de travailler… et de penser ensemble. Changement d’approche majeure, c’est toute une remise à plat des interactions entre individus qui se dessine avec à la clé une autre philosophie de l’entreprise.

« Il faut quitter son confort intellectuel, quelle que soit la place qu’on occupe. Le patron doit mettre son ego de côté. On fait appel à l’humain avec toute sa richesse et sa complexité » prône Matthieu Brunet

Facile ? Pas franchement. « C’est un sacré changement ! Avec l’holacratie, il y a des règles du jeu, c’est très cadré et il faut adopter un jargon spécifique », témoigne Héloïse Mercier, acheteuse matières premières. Dans les couloirs d’Arcadie, on ne parle plus de personnes, mais de « rôles », les services deviennent des « cercles », l’emploi du temps fixe des réunions de triage ou de gouvernance, avec le premier lien ou le second lien… « On a tous des responsabilités, on s’implique plus, mais ça ne correspond pas à tout le monde dans l’entreprise », poursuit notre témoin, qui juge tout de même l’expérience positive. « C’est très enrichissant. Ce n’est pas encore parfait, mais le système pyramidal ne l’est pas non plus. »

Ce choix radical n’a rien de surprenant et s’inscrit dans la suite assez logique de l’histoire de cette PME. Depuis ses origines en 1985, la société est engagée en faveur d’une agriculture bio et équitable, de bien-être au travail et s’emploie à agir de la manière la plus vertueuse et écoresponsable possible. Lorsque les fondateurs, Dominique et Bernard Kimmel, transmettent le témoin à leurs enfants, la nouvelle génération passe un cap. « Jusqu’à 50 salariés, nous restions une entreprise familiale mais à un moment, nous avons dû revoir notre gestion », reprend Matthieu Brunet. « Et le schéma conventionnel nous donne
des boutons !
»

Après quatre années d’expérience, le leader observe : « Cette radicalité ne nous porte pas préjudice. » Séduisant pour les uns, illusion de liberté pour d’autres, ce système alternatif se heurte à plusieurs obstacles : « Le manque de temps et l’argent », avance spontanément Matthieu Brunet, auquel il faut ajouter la remise en cause d’un modèle ancré dans les mœurs. Et de résumer : « Quand on se lance dans cette démarche, la question qu’il faut se poser c’est l’efficacité de l’entreprise au service de quoi ? Des actionnaires ou de sa raison d’être ? »

Près d’Alès, ce spécialiste des épices et plantes aromatiques casse les codes du management.

Arcadie en chiffres

  • 120 salariés
  • 21M€ de chiffre d'affaires