L’union singulière des librairies nîmoises 

Par Agathe Beaudouin

Depuis plus de 20 ans, une association unit les professionnels du livre pour faire caisse commune à l’occasion du Festival de la Biographie

« Tous pour un ! Un pour tous ! » Alexandre Dumas ne serait sans doute pas mécontent d’observer qu’à Nîmes, cette devise des Trois Mousquetaires est adoptée depuis plus de vingt ans par une poignée de professionnels du livre. Regroupés au sein de l’association Les libraires nîmois, les enseignes Goyard, Aux Lettres De Mon Moulin, Siloë-Biblica, Teissier et Carré d’Art ont appris à œuvrer collectivement à l’occasion du Festival de la Biographie (27-29 janvier 2023), organisé par la ville de Nîmes avec le concours de la société MPO. 

Au moment de préparer cette grande rencontre littéraire fréquentée par plus de 20 000 visiteurs, les membres de l’association se partagent « à parts à peu près égales les commandes de livres », détaille Daïdrée Branche-Aguilar, nouvelle présidente de l’association et co-gérante de Siloë-Biblica. Autre particularité : contrairement aux autres salons du livre, à Carré d’Art, le visiteur passe par une caisse commune à tous les libraires… Un peu comme aux Galeries Lafayette ! Une fois l’événement terminé, les gains sont répartis entre chaque professionnel : une moitié à part égalitaire, l’autre moitié de façon proportionnelle à ce que chaque commerce a vendu. 

Si l’association ne souhaite pas communiquer officiellement sur son chiffre d’affaires, ce sont environ 4 000 ouvrages qui sont vendus en trois jours. De quoi regarnir les trésoreries en début d’année. 

« Nous avons trouvé plus facile de nous regrouper en association et d’agir d’une seule et même voix pour cet événement. Cela donne une visibilité collective, et une même ligne directrice », résume Patrick Bailly, de la librairie Aux Lettres De Mon Moulin, qui lui voit avant tout « un intérêt culturel » à cette association, au-delà de l’économie qu’elle génère. 

Complémentarité

Cette organisation, les Nîmois la doivent d’abord à Hubert Emery, l’ancien patron de Siloë-Biblica, fondateur de l’association. « Il a beaucoup œuvré à cet esprit collectif, je ne connais pas d’autres exemples en France », observe Vincent Teissier, ancien président de l’association qui n’a pas participé au festival 2023. Ainsi, la solidarité professionnelle dont font preuve les libraires nîmois ne s’arrête pas au Festival de la Biographie. Elle se cultive toute l’année. « À Nîmes, nous sommes complémentaires. Chaque librairie a une spécificité qui lui permet d’exister. Cette diversité nous permet de nous adresser facilement à des lecteurs en fonction de leur demande », poursuit Vincent Teissier. 

Cette confraternité peut aussi recouvrir une dimension quasi syndicale. Daïdrée Branche-Aguilar qui reprend le flambeau de l’association avec Pascale Doba-Llorca (secrétaire) et Clémentine Goyard (trésorière), se souvient aussi très bien de l’engagement d’Hubert Emery à l’époque où de grandes enseignes ont débarqué à Nîmes. « Quand la Fnac est arrivée, puis Cultura (à Carré Sud, ndlr), l’association a fait bloc et a pu se faire entendre auprès des élus. » Est-ce un hasard ? La montée en puissance du festival créé en 2001, correspond peu ou prou à l’annonce de la création de Carré Sud finalement inauguré en 2006. 

Tête d'affiche

Après les difficiles années Covid, le Festival de la Biographie est désormais bien relancé, et l’association, qui a tout de même perdu quelques membres (Moda -qui a fermé ses portes-, Diderot, et L’eau Vive), se lance de nouveaux défis. Elle souhaite organiser un nouvel événement, évidemment autour du livre, « avec une grosse tête d’affiche », confie, sibylline, la présidente, qui aimerait aussi que d’autres librairies indépendantes nîmoises intègrent ce cercle littéraire unique en France.